
« Lutte contre le séparatisme »
Depuis le voyage officiel du Président de la République à Mulhouse, le terme "séparatisme" est sur toutes les lèvres. Au regard de votre expérience, comment le comprenez-vous ?
Le terme de "séparatisme" clarifie une situation qui plaçait les communautés dans une position malaisée. En soi, l'appartenance d'une personne à une communauté culturelle ou religieuse, n'est pas tant le sujet que celle du respect des règles de vie communes en société. Le séparatisme permet de distinguer des pratiques ou des attitudes spécifiques qui s'organisent hors du cadre républicain et ainsi d'éviter de généraliser et de stigmatiser des communautés dans leur globalité.
Toutefois, l'expérience du Fonds du 11 janvier nous apprend qu'il y a un enjeu à rappeler ce qu'est la laïcité, la liberté de croire ou de ne pas croire, mais qu'au delà des questions religieuses et de laïcité, il y a un ensemble d'éléments qui divisent la société et notamment les jeunes comme les discriminations subies ou les préjugés que chacun peut porter sur l'autre en raison de sa religion, mais aussi de sa culture, de sa couleur, de son orientation sexuelle...tout cela doit être travaillé, déconstruit de part et d'autre, afin justement que ce "séparatisme" ne puisse opérer et que chacun trouve sa place au sein de la société.
"Il faut renforcer les associations, les collectivités, les services de l'État pour faire plus en matière de sport, de culture, d'éducation, d'accompagnement des familles". Après avoir soutenu plus d'une cinquantaine d'associations pendant 5 ans, que pensez-vous de cette affirmation ?
C'est une déclaration appréciable et on ne peut qu'espérer qu'elle sera accompagnée de mesures tangibles et substantielles. Le travail des associations dans les quartiers ne doit pas être sous-estimé, il est essentiel et vient en bonne partie compenser des manques qu'ils soient d'ordre infrastructurels ou de services. Cependant ces dernières années entre baisses de subventions publiques et suppression d'une partie des emplois aidés (ceux-ci sont passés de 459 000 en 2016 à 100 000 en 2019), leur existence est mise à mal. Il y a donc un enjeu à soutenir rapidement les acteurs associatifs non seulement ceux qui se rendent dans les quartiers pour y déployer leurs activités, mais aussi continuer à identifier et à soutenir les associations de proximité, territoriales, celles qui sont implantées localement, qui connaissent bien leurs publics et dont les actions se poursuivent dans la durée. A notre échelle, en tant que Fonds du 11 janvier, nous avons essayé au cours de ces cinq années d'être au plus près des besoins exprimés par les associations et de les accompagner dans leur déploiement. Et nous constatons qu'un certain nombre d'entre elles ont pu se développer et toucher davantage de personnes. Mais c'est sans fin. C'est à la fois une course de fond et une course de relai dans laquelle chacun doit s'impliquer pour que les associations puissent faire un travail effectif sur le terrain sans se soucier en permanence de leur survie.